UN CHÂTEAU À LA MARNE ?
Et bien ....
Effectivement, un château a été établi dans la commune car autrefois, avant la révolution française, La Marne était non seulement une paroisse mais aussi une châtellenie où siégeait un seigneur ayant au moins un titre de noblesse . Ce n’était pas un château fort mais une simple demeure.
Au cours du moyen-âge, La Marne est située dans les Marches Bretonnes et faisait donc partie de la baronnie de Retz qui dépendait du duché de Bretagne, lui-même une entité territoriale indépendante à la Couronne de France.
Plusieurs seigneurs vont se succéder à La Marne. On trouve dans les archives (1) la mention du premier seigneur, en 1457, Bertrand Du Pouëtz qui possèdait aussi une seigneurie de Domalain et de Bais sises au Sud-Est de Rennes. En 1560, Guillaume Laurens conseiller au parlement de Bretagne à Rennes était seigneur car il avait épousé une fille de Bertrand Du Pouëtz (2). En 1600, Charles du Bec (2) vice amiral de France père de Philippe, évêque successivement de Vannes et Nantes puis archevêque de Reims, possédait La seigneurie de La Marne. Puis, Pierre Bastelard seigneur et châtelain de La Salle en Fresnay et de La Clartière sise à Machecoul avait également celle de La Marne en 1623. Le 7 Mars 1644, Jérome de Chardonnay, écuyer et seigneur de Rheu et de Bécherel (une maison seigneuriale près de Montfort-l’Amaury, non loin de Versailles ) prend la possession de la châtellenie de La Marne. La dynastie De Chardonnay y restera jusqu'à la révolution.
Ces seigneurs de La Marne avaient droit à la basse moyenne et haute justice sur leurs terres, c’est-à-dire dans le droit féodal, ils pouvaient prétendre la prééminence dans l’église paroissiale et aux nombreux droits entre autres, celui de disposer de la vie pour les délits de brigandage : ainsi les fourches patibulaires où étaient pendus les corps des suppliciés se trouvaient non loin du grand moulin vers l’Est sur la route du Breuil.
Où se trouvait ce château ? En gros entre les maisons n°2 e de la rue de la Mairie et la mairie car dans le cadastre napoléonien (1837) ces parcelles étaient englobées sous le nom « le château ». Il en est resté un bâtiment et quelques murs qui délimitaient le domaine dont le mur nord qui jouxte la rue du lac et l’impasse du martin-pêcheur. Dans les aveux seigneuriaux (3) de 1692 (le seigneur Louis de Chardonnay énumère ses possessions devant le procureur royal), il est question du logis seigneurial : « A savoir est une maison à plancher écurie stable colombier cour Jardin et verger, le tout se joignant l’un l’autre fermée de murailles et de hayes contenant trois journaux ou environ borné du soleil levant des jardins et terres du bourg, du midy au chemin qui conduit du village de la rivière au dit bourg, du couchant et du nord, la pièce du portaux et terres des fosses. »
Cet aveu nous donne bien la description d’un logis seigneurial typique en Vendée Poitou du XVII ème siècle. Le seul bâtiment restant de ce domaine à ce jour se trouve entre le n°2 et n°4 de la rue de La Mairie transformé, devenu depuis une propriété privée car son architecture est bien du XVème siècle avec ses fenêtres en archères composées de piédroits en calcaire coquillier, son dallage de pierre et l’emplacement d’une grande cheminée avec le four.
Cette bâtisse est sans aucun doute le premier logis seigneurial. Au fond de cet édifice on remarque la séparation par la différence de maçonnerie. Sur la façade extérieure nord, on constate bien sur le pignon une porte murée et tout en haut la partie inférieure d’une fenêtre emmurée ; ces ouvertures sont du style plus récent du XVII ème avec des piédroits et linteaux en tuffeau. Ce pan est le reste de l’autre logis construite par le Sieur Louis de Chardonnay qui était parallèle à la rue et dans le même alignement étaient situées les dépendances ; les étables avec le colombier qui était un apanage propre aux seigneurs de la région (ce dernier édifice à la forme carrée a été démoli ainsi que l’étable au milieu du siècle dernier). Derrière le château s’étendait le verger (qui englobe actuellement la mairie la salle des Lauriers, la maison de la paroisse et les deux maisons de l’impasse) ainsi que le potager qui englobe les jardins des maisons 6 et 8 de la rue de la Mairie séparés et entourées par des murs toujours debout à nos jours. On accédait au château par une cour. Face au château de l’ autre côté de la rue, le seigneur possédait un immense pré sous le nom le pré du château qui s’étendait de rue du Tenu jusqu’aux terrains de la salle de sports de la Chênaie, du cimetière jusqu’au lotissement des chênes. Au fond de ce pré, à l’actuel emplacement de la rue des forges se trouvait le vivier seigneurial d’une bonne superficie aujourd’hui comblée.
Lors de la révolution française, le château le symbole de l’ ancien régime est considéré comme bien national et a servi comme auditoire ou salle de conseil municipal et de vote (4). Par la suite en octobre 1797(5), elle est devenue la propriété de Pierre Tenaud, membre du conseil municipal et maire provisoire (mars1799 juillet1800). Pierre Guilbaud, ancien maire (août1798 - mars1799) possède ces bâtiments en 1836 (6) mais seulement le logis des De Chardonnay a été démoli avant 1836 et il reste la vieille bâtisse et les étables.
Nous avons vu un détail très peu connu de La Marne dans l’ancien régime. Cette étude nous amène à se poser la question à travers la succession des seigneurs : La Marne avait-elle une forte influence bretonne dans les marches du duché car La Marne (7) était dans la seule paroisse et châtellenie sous l ‘entière souveraineté bretonne enclavée dans la partie des marches communes, au nord de la châtellenie, la forêt de Machecoul faisait partie des marches, ce qui donne une disposition très particulière, surtout pour la contrebande.
La mention du premier seigneur de La Marne en 1457 coïncide aux temps de la sucession de Gilles de Retz et à la rédaction du cartulaire des sires de Retz en 1450(8). On peut légitiment se poser la question si la châtellenie a été bien érigée lors de la succession de Gilles de Retz.
Notes
1 «Dictionnaire des terres et seigneuries de l’ancien comté Nantais et la Loire Inférieure » Ernest Cornulier
2 «Nobiliaire et armorial de Bretagne » De Courcy
3 ADLA B 1844
4 «Notes historiques… » abbé Vauloup
5 ADLA 4 E 86/78
6 ADLA 3 P 94/2
7 «Atlas d’histoire de Bretagne editions Skoll Vreigh
8 »Le pays de Retz au Moyen Age » Michel Tessier p 165